“La connaissance de soi, c’est la tarte à la crème de l’individualisme occidental. Alors que ce n’est pas comme ça, de mon point de vue, que l’on peut guérir.
Les gens qui se racontent, qui racontent leur vie indéfiniment, ne sortent pas de leurs plaintes et ne sortent pas de leurs difficultés. Mais si quelqu’un accepte de faire le saut dans l’inconnu et dans le vague, dans l’incertitude, alors quelque chose est possible comme réorganisation de son existence. C’est un petit peu ce qui se passe dans le rêve, mais on peut dire que quand ça se passe dans l’éveil, quand l’éveil ressemble au rêve, il y a un mélange de toutes les possibilités d’un individu qui lui permettent justement de reconstituer son existence.
Mais il ne faut surtout pas qu’il parle de lui au sens où qu’il essaie de constituer, de reconstituer quelque chose de lui. On parle beaucoup aujourd’hui de développement personnel, de retour sur soi. Je pense que ça, ce n’est pas la bonne méthode pour qu’il y ait une transformation dans l’existence.
C’est le langage qui pose problème. Si vous revenez à Michaud, vous pourrez voir que, d’une multiple façon, Michaud prend le langage comme ennemi. Car le langage, tel qu’il est vécu, c’est pour lui un modèle de la réalité.
Et la réalité, il l’étouffe, il est prisonnier. Et il est obligé d’attaquer les mots. Il dit, il faut prendre les mots du dictionnaire qui ne signifient qu’une chose, mais surtout pas les mettre dans des phrases.
Il invente des mots nouveaux, il y a des textes complètement barjots, où il invente tout un vocabulaire. Les phrases, il les tourne de telle manière que on ne voit pas le rapport que les mots, la phrase de Michaud, demandées à un coq de pondre, la poule va se mettre à parler.”
——
Connaissance de soi et désintérêt de soi avec François Roustang — France Culture, 21 octobre 2012
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-racines-du-ciel/connaissance-de-soi-et-desinteret-de-soi-avec-francois-roustang-1874626